27 juin 2017

Un navire de guerre en 1920

Voici un ancien cliché marin tiré sur papier photo mat 120x90 mm, réalisé par un amateur en 1920

Il s'agit d'une photo inédite du cuirassé France, amarré dans une baie.
Au premier plan, la barque à voile d'origine méditerranéenne donne à cette photo un charme tout particulier qui contraste avec les traditionnelles photos de la marine française, isolée en pleine mer, loin du moindre repère côtier.

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Cuirassé de classe Courbet, le France (1914-1922) est resté célèbre pour 3 événements qui ont jalonné sa courte carrière. En juillet 1914 d'abord, il transporte Henri Poincarré lors d'une visite officielle, en avril 1919 ensuite, son équipage joue un rôle central lors de la mutinerie des marins français stationnés en mer Noire, en août 1922 enfin, il sombre en baie de Quiberon lors d'un naufrage quelque peu lamentable.

Construit par les Ateliers et Chantiers de la Loire à St Nazaire dès 1911, ce cuirassé avait été lancé le 7 novembre 1912 et mis en service le 15 juillet 1914 à Brest. Il emportait prêt de 1100 marins.

Pour sa toute première croisière, alors qu'il est loin d'avoir terminer ses essais et n'embarque aucune munition, le France conduit le Président de la République Henri Poincarré pour une visite officielle en Russie, accompagné d'une escadre française comptant les navires Stylet, Tromblon, Courbet, Jean-Bart et Lavoisier. Il mouille à Cronstadt le 21 juillet 1914 (face à Saint-Petersbourg), accueille sur sa plage arrière un dîner sous chapiteau en l'honneur su Tsar puis ré-appareille pour la France dès le 24 juillet à pleine vapeur : la situation européenne s'est crispée. Le Président débarque à Dunkerque le 29 juillet. La guerre est déclarée le 3 août. Le France file à Toulon.

Après être resté parqué pendant toute la guerre dans des rades protégées contre la menace sous-marine comme Malte, le France est sorti du désœuvrement quelques jours avant l'armistice du 11 novembre. Georges Clemenceau. décide d'envoyer en Russie du sud une expédition décisive soutenue par une escadre comptant 5 cuirassiers et chargée de soutenir l' armée alliée des russes "blancs" contre les bolcheviques "traîtres et barbares". Le France arrive en Crimée, devant Sébastopol, le 26 novembre 1918.
La situation se dégrade rapidement : contre toute attente, la population locale se montre hostile et récalcitrante, les officiers russes blancs à la fois versatiles et incompétents, les bolcheviques gagnent partout du terrain et parviennent bientôt aux portes de Sébastopol, les ordres des autorités françaises restent vagues ou contradictoires, les effectifs français plafonnent au dixième des prévisions, les marins les plus aguerris du France ont été réaffectés pendant la guerre, l'équipage réduit du tiers et soumis au régime le plus strict s'épuise à débarquer un flux incessant de matériel et doit faire face à l'hiver terrible en Crimée à bord de cuirassiers surtout adaptés au climat méditerranéen, alors qu'en France, l’épidémie de grippe espagnole désorganise la production d'équipements chauds et l'ensemble du ravitaillement.... A l'Assemblée Nationale, les socialistes dénoncent cette nouvelle guerre et réclament le retour de soldats déjà meurtris par 4 années de conflit..
Le 19 avril 1919 un groupe de marins du France se rebelle, refuse les ordres au cri de "A Toulon ! A Toulon !" et chante l'Internationale. Ils trouvent de nombreux soutiens. Le lendemain, la mutinerie gagne la flotte et un pavillon rouge est hissé sur plusieurs cuirassés. Une petite troupe de marins manifeste dans les rues du port en soutien aux bolcheviques et se heurte aux troupes loyales grecques et russes. Le sang coule. Le commandement qui avait déjà reçu un ordre de repli des forces française parvient à apaiser les esprits et, le 23 avril, le France appareille soi-disant pour Toulon, en réalité pour Bizerte (Tunisie) où les meneurs seront jugés et condamnés, puis finalement graciés en 1922.

Enfin le 26 août 1922, le France chavire en 3 heures au milieu de la nuit, en baie de Quiberon, après avoir heurté une roche sous marine alors inconnue, dîte "Basse Nouvelle" et baptisée depuis "Roche du France". Il ne pu être renfloué et fut finalement désossé sur place, au prix de grandes difficultés, entre 1935 et 1958.

On peut observer et commenter une petite galerie de photos sur le France ici.



Précisions :
Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française, Rennes, éditions Ouest-France, 1994, 427 p.

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